C’était vers 1975.
Nous étions quatre : Henri Landrieu « d’Hesdin » [1.6.3], Michel Landrieu « de Valdoie » [5.7.1.2], Jean-Claude Labarre [5.6.1.2] et moi [1.7.2.2 & 5.3.4.2]. Pourquoi nous sommes-nous rencontrés ? Qui en a eu l’idée ? Je ne sais plus. Les idées n’ont pas toujours de paternité unique et identifiable.Il me semble que c’était Henri qui en avait eu l’initiative. Je le voyais régulièrement à Saint-Firmin, chaque année à la chasse : l’ouverture, en septembre, se faisait successivement, chez l’un puis chez l’autre et durant une ou deux semaines, les mêmes ou presque s’y retrouvaient. C’était l’événement de l’automne. Jean-Claude était parisien. Il était au Conseil d’État, comme l’avait été jusqu’à son décès en 1949 Charles Chevreux [5.2A.1A], dont la veuve Ninette (Renée Bataille [5.2A.1]) habitait à Paris au-dessus de chez nous. Je le voyais de temps en temps. Michel quant à lui, je ne l’avais jamais vu et c’est par Henri que nous nous sommes connus.
C’est donc Henri, je crois, qui, cherchant des volontaires, nous a réunis. La généalogie n’était pas mon hobby ; mais, adolescent, en vacances chaque année à La Vigie (Saint-Firmin), chez ma grand-mère Hélène, j’avais avec l’aide de Tante Dédée [1.7.4], appris et dessiné l’arbre des descendants « des cinq frères ». (Avec la particularité, quant à moi,de descendre de deux d’entre eux, mes parents étant cousins issus-de-germains.) Avec ma cousine Nicole [1.7.1.2], nous explorions les cimetières des alentours et consultions à la mairie de Canchy, les archives de l’état civil municipal ainsi que les registres paroissiaux qui les avaient précédés avant la Révolution. Nous étions remontés ainsi, avec quelques grands trous, jusque vers 1650, découvrant diverses lignées de Landrieu, qui se croisaient et se recroisaient de générations en générations avec toujours la même demi-douzaine de familles (Ridoux, Maillet, Broquevieille, Levoir…). En ces temps-là, on se mariait à moins de 20 kilomètres de chez soi. Durant ces vacances picardes, ma bicyclette m’emmenait souvent visiter Anne-Marie Dupont [2.1.1] à l’abbaye de Saint-Valery, de l’autre côté de la baie de Somme. Anne-Marie, adorable et enjouée aquarelliste, avait une grand-mère, Marie de Hollande (femme d’Émile Landrieu « de l’Heure » [2]), qui était, coïncidence ! la nièce de Prudent Padieu, grand-père paternel de mon père… Vous me suivez ? Le monde était petit. Or, cette Anne-Marie, outre de me parler de ses chères nièces provençales Mireille [2.6.1.1] et Pierrette [2.6.1.2] (vous suivez toujours), était très entichée de généalogie : nobiliaire de préférence. Elle pensait remonter ainsi jusqu’à Berthe-au-grand-pied, femme de Pépin le Bref et donc mère de Charlemagne et, même jusqu’à Régnacaire, compagnon de Mérovée et donc « envahisseur » franc de la Gaule… (dont le nom serait resté dans celui de la commune de Regnière-Ecluse, non loin d’Abbeville.) Bref, nos Landrieu de l’Heure ont de qui tenir !À d’autres moment, c’était mon autre grand-mère, Susane Landrieu-Padieu [5.3] qui me parlait de l’ascendance de sa mère Stéphanie Letellier [5A], branche protestante de la famille, vivant au Mont Saint-Michel et se livrant, avant la Révolution, à la contrebande du sel entre la Bretagne et la Normandie, jouant à cache-cache avec les gabelous.
Tout cela pour dire que lorsque Henri me proposa de collaborer à la généalogie familiale, j’étais prédisposé. Ce premier comité auto-proclamé, se dédia d’abord à organiser une réunion des descendants de l’ancêtre né en janvier 1800 dit « Papa-Père ». Et c’est ainsi qu’eut lieu la rencontre, à Nouvion. Autour d’un arbre généalogique en forme de pyramide, idée d’Alain Snyers [1.7.2.1.1 & 5.3.4.1.1] : une pyramide à cinq faces de largeur proportionnelle au nombre – très inégal – de cousins qu’elle comportait. Chaque face était d’une couleur différente, reportée sur les badges que chacun arborait (« arborait », bien sûr puisqu’il s’agissait d’un arbre !). Et les couleurs sont conservées par la suite pour les autres cousinades.
Au vrai, Jean-Claude et moi n’avons eu qu’une participation secondaire. Ce furent Henri et surtout Michel, qui firent l’essentiel. Par la suite, ce fut Michel presque seul qui prit à bras-le-corps l’entreprise et la développa. La création du Réveil de Canchy, ce fut lui. L’idée du titre, lui aussi, la tenue à jour du répertoire des Landrieu, lui encore ; les recherches documentaires, bibliographiques et iconographique, toujours lui ! A la notable exception quelque années plus tard de la constitution d’un fonds de photographies familiales (Album Papa-Père et Album Landrieu « LaVierge ») par Béatrice de Lamarlière |1.7.1.2.1].
Pour son travail de titan, Michel « notre généalogiste de service », s’était équipé d’un bon ordinateur et de logiciels ad-hoc et s’initia aux subtilités de la numérotation. Il a mené un travail considérable, pour la plus grande satisfaction de beaucoup d’entre nous.
Force est de reconnaître qu’il a bénéficié – sauf au temps des réunions cousinières – de fort peu d’assistance. (Fort peu de la mienne,dois-je honteusement dire.) Il ne s’en est pas découragé. Cependant, dans les derniers temps, il me faisait part de sa lassitude, l’âge aussi venant et sa santé déclinant. Nous avons eu, à quelques un, un sursaut pour organiser notre rencontre de 2015, à Caours, chez Marc et Hélène de Lamarlière [1.7.1.2.2]. La jeunesse de ces successeurs est toute relative et nous ne tiendrons pas dans la durée : si quelques-uns dans notre multitude relevaient le gant, ce serait le meilleur remerciement posthume que nous adresserions à Michel.
Grand merci, Michel !
René Padieu [1.7.2.2 & 5.3.4.2