Vingt ans de bonheur – 15

Texte de Palmyre Landrieu (2.1), son enfance à l’Heure 1862-1882

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15 – Le général Picard

Pendant la guerre le général Picard et trois de ses enfants étaient venus se réfugier dans leur famille, qui était celle de ma jeune Tante. Ils avaient quitté Paris avant les horreurs du siège et avaient passé les lignes avec toutes sortes de difficulté. Le général Bourbaki était le parrain de leur petite Gabrielle.

Mme Picard portait au bras un large cercle d’or mat enchâssant brillants et émeraudes, don du général. Leur fille Gabrielle, charmante, mais très espiègle, jouait souvent avec ce splendide bijou. Elle faisait déjà de l’équitation avec son Père. Elle ne craignait rien. N’imagina-t-elle pas, un jour, à Canchy, de se faufiler dans une étable et de monter sur une vache. Elle la fit sortir et la malheureuse bête affolée courait de tous côtés, cherchant à se débarrasser de son fardeau. Elle y serait arrivée sans peine, si des hommes ne s’étaient précipités pour maîtriser la bête qui devenait furieuse.

Gabrielle épousa Amédée Thierry, le fils de l’historien Augustin Thierry. Elle voyagea beaucoup, prit part aux merveilleuses fouilles de la Perse avec son amie Mme Dieulafoy. Ses frères étaient dans l’armée. Robert, qui n’était qu’un bébé en 1870, eut une conduite admirable lors de la conquête du Maroc et mourut alors qu’il menait son escadron à l’assaut.

J’ai entendu raconter par le général cette affreuse campagne de l’Est. Notre armée épuisée, perdue dans la neige, avait dû, après des souffrances inouïes se jeter en Suisse pour éviter l’encerclement. Le général Bourbaki était venu aussi et tous deux racontaient les souffrances et la vaillance de nos armées.

Le jour où ces deux généraux en uniformes chamarrés, avec une brochette de décorations sur la poitrine, s’assirent à notre table, fut un grand jour.

Tous les hommes présents assuraient que la France n’était pas atteinte dans ses forces vives.

Le repas terminé, c’est avec émotion que tous levés se sont écriés : « Vive la France, vive l’armée, et vive aussi l’Empereur ».

Mon Père est resté, toute sa vie, fervent Bonapartiste.

Il regrettait l’Empereur et lui est testé fidèle dans son exil.

Suite : 16 – La vocation de Gabrielle

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