Texte de Palmyre Landrieu (2.1), son enfance à l’Heure 1862-1882
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22 – Pierre
Le 14 août 1879, j’avais 18 ans, est né le petit dernier, le benjamin de la famille, notre cher petit frère.
Quelle joie que cette naissance. Nous étions folles de ce mignon bébé. C’est nous, ses sœurs, surtout Gabrielle qui l’avons élevé. Gabrielle l’avait pris près d’elle, la nuit.
A six semaines, il fut très malade. Le médecin ayant conseillé une nourrice, de suite elle fut demandée. Cette brave et excellente femme arriva de la Creuse un soir et voyant le berceau près du lit de Gabrielle, crut que c’était Gabrielle la maman, une bien jeune maman puisqu’elle n’avait que 17 ans. Pierre a guéri et sa brave nourrice, Minnin, est restée toute sa vie avec nous, nourrice puis cuisinière. Elle a élevé en partie, ma fille, ma petite Anne-Marie et l’a tant aimée que parfois, elle se figurait l’avoir nourrie elle aussi.
L’été de la naissance de Pierre fut une saison admirable.
Notre petite vallée, réchauffée par les rayons d’un soleil constamment ardent et lumineux, fut un lieu de délices.
Jamais, sur les coteaux, les moissons n’avaient été aussi belles.
En abondance vergers, espaliers et potagers donnaient leurs fruits splendides et succulents.
Quelques jours avant la naissance de Pierre, est arrivé de l’Abbaye un berceau d’osier bas, aux larges roues pleines, qui glissaient doucement dans les allées.
A l’Abbaye, véritable terre promise, il y avait une telle profusion de fruits, qu’on en expédiait un peu partout. Le berceau est arrivé, rempli à pleins bords de mirabelles dorées, mouchetées de rouge.
Vite, les bassines de cuivre sont descendues du parage. Toutes les mains s’agitent, saisissent les fruits savoureux. Tantôt ils disparaissent dans des bouches gourmandes, souvent ils vont grossir la monstrueuse marmelade, digne du « Royaume des Gourmands ».
Si délicieuse fut-elle que, des années après, un pot de confiture de la naissance de Pierre, faisait prime sur la table de famille.
Puis on fit la toilette du berceau, nid de mousseline blanche à petits bouquets Pompadour. Quant il fut garni, capitonné, pomponné, quelle joie pour les sœurs de promener le mignon nouveau-né.
Mon oncle Édouard Demay fut parrain avec moi. Je fus gâtée ainsi que mon petit Pierre, et comprenais si bien que je devenais pour lui une seconde Maman. Aussi ne l’ai-je guère séparé, dans mon cœur, de ma chère Anne-Marie.
Après la naissance de Pierre, ce furent des mois, une année de grand bonheur. Mes parents sont heureux, leur famille grandit, ne leur donnant aucun souci.
Bonne Maman est toujours avec nous, se dépensant sans cesse, répandant autour d’elle son cœur généreux. Tout un large cercle de famille et d’amis nous entoure. Les affaires de mon Père prospèrent sans cesse. La propriété de l’Heure s’agrandit.
Mon Père, fidèle à la tradition, voulait regrouper le vaste domaine qui, jadis, avait appartenu à sa famille maternelle.
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Suite : 23 – La Mort de Papa