Vingt ans de bonheur – 4

Texte de Palmyre Landrieu (2.1), son enfance à l’Heure 1862-1882

Pour lire les autres chapitres, consulter le Sommaire

4 – Le baptême des poupées

Nos poupées ont été des personnages importants.

Elles étaient très belles, nous avaient été offertes par ma Tante Stéphanie du Havre. Elles étaient articulées, en peau cousue, avec une tête de biscuit, des yeux d’émail et une chevelure bouclée.

Mathilde et moi avions des poupées qui étaient des dames. Elles avaient un trousseau, des toilettes somptueuses. Rien ne leur manquait, même de minuscules ombrelles, un livre de messe lilliputien et mille bibelots mignons et précieux qui, s’ils existaient encore, auraient un certain charme.

La poupée de Gabrielle était un bébé, avec le même visage que les nôtres, mais au lieu de robes à traine et de chapeaux empanachés, elle avait une brassière, un maillot, un joli petit bonnet, une superbe robe, longue, brodée, et une pelisse de cachemire blanc.

Gabrielle endormait sa fille, la bordait dans sa bercelonnette d’acajou, baissait le rideau de mousseline, en un mot, faisait tous les gestes d’une vraie petite Maman.

Jeanne, la benjamine, a eu sa vraie poupée l’année de l’exposition de 1878. Les trois petites sœurs aînées avaient été à Paris avec Papa et Maman et, comme cadeau, avaient rapporté à Jeanne un bébé-jumeau, qui était la grande nouveauté de l’année. Les poupées en peau, bourrées de son, avaient fini de vivre.

Le baptême de la poupée de Gabrielle a été une grande fête. Nous avions attendu les vacances, tous les cousins et cousines étaient réunis. Toutes les poupées de la famille avaient été invitées. Il en était venu d’Amiens, d’Abbeville, de la Vierge, du Havre, de l’Abbaye. C’était une assemblée impressionnante.

Le bébé était splendide, Gabrielle rayonnait, Paul et Jeanne étaient parrain et marraine. Chacun portait, en procession, sa poupée respective. Les garçons agitaient des bannières, jouaient du tambour et, aussi, nous écorchaient les oreilles avec des trompettes. Les petits portaient des fleurs. La journée s’est terminée par un goûter monstre qui a été servi dans un ménage de poupée, très complet et en vraie porcelaine.

A Abbeville, nous avions une petite cousine, Aline Maillet. C’était un bon diable, amie particulière de Jeanne. Elle est devenue Mme Albert Dellier. Dans la vie, la vraie vie de luttes, elle fut mon soutien, mon Amie très chère. Maintenant encore, ma fille la considère comme sa seconde Maman. Elle est l’amie dévouée bonne et ardente des bons et surtout… surtout des mauvais jours.

Nous avions aussi, à Canchy, une petite cousine, Antoinette, beaucoup plus jeune que moi. Elle faisait partie de la bande des petits et y tenait une grande place. Elle avait un charmant caractère. Je m’étais très attachée à elle. Je l’aimais et elle me le rendait bien.

Voulant me témoigner, sans doute, toute son affection, elle m’appelait : Maman-Mère. J’en étais très touchée. Depuis, la vie nous a séparées, il y a grand morceau de France entre nous. Nous nous voyons rarement. Mais je suis restée la vielle Maman-Mère de ma petite Antoinette, maintenant Mme Albert Baboulet d’Angers.

Suite :  5 – L’Église de l’Heure

Retour au sommaire