Vingt ans de bonheur – 6

Texte de Palmyre Landrieu (2.1), son enfance à l’Heure 1862-1882

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6 – Bonne Maman

Tous les ans, le 21 janvier, Bonne Maman fait dire une Messe pour Louis XVI. Nous y assistons tous et chaque année Bonne Maman est harcelée de questions sur la mort du pauvre roi, sur son grand-père, Bon Papa d’Hangest qui fut, lui aussi, emprisonné et guillotiné à Arras ; sur le Père de Bonne Maman qui avait fait sa première communion, caché, avec les siens, dans une cave, qui ne riait jamais et qui avait une si belle collection de tulipes. Bonne Maman était une royaliste ardente. Elle lisait L’Univers et avait une grande admiration pour Louis Veuillet. Elle discutait passionnément ses opinions avec mon Père, bonapartiste lui ; mais Papa l’aimait et respectait ses idées, la sentant si proche, encore, du roi martyr.

Elle avait vu tant souffrir autour d’elle et avait été élevée dans l’épouvante de la révolution qui avait fauché les siens et ruiné sa famille.

Bonne Maman parlait aussi souvent d’un de ses très chers Cousins, M. Emmanuel Bailly de Surcy, de Berteaucourt, qui, avec Ozanam, avait fondé les conférences de St Vincent-de-Paul. Ses deux fils furent les admirables pères Vincent de Paul et Emmanuel Bailly.

Bonne Maman avait eu un grave accident à l’âge de 25 ans. Elle avait fait une chute sur un genou et ne s’en était jamais bien guérie. Elle ne pouvait aller à l’église, au village, à la ville, sans sa voiture. C’était un petit panier à quatre roues. Elle conduisait elle-même son cheval qui était un poney portant le nom de Colibri.

Souvent elle prenait auprès d’elle ses petits-enfants, et je me figure que si pareil équipage apparaissait maintenant au tournant de la route, il aurait un succès fou.

Une Bonne Maman en papillotes, entourée d’une nichée de minois roses et Colibri galopant, avec sa longue queue noire qui balayait la terre, et sa crinière qui volait comme une chevelure.

Suite : 7 – La chasse

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